La mission de l'art n'est pas de
copier la nature, mais de l'exprimer !
Le Chef-d'œuvre inconnu, Balzac (réf. BALZAC).
Le but de l'art, on l'a trop oublié de nos jours, n'est pas la reproduction exacte de la nature, mais bien la création, au moyen des formes et des couleurs qu'elle nous livre, d'un microcosme où puissent habiter et se produire les rêves, les sensations et les idées que nous inspire l'aspect du monde.
Portrait de Delacroix, Théophile Gautier (réf. GAUTIER).
L'expressionnisme est un mouvement qui, en une durée inférieure à une décennie, a fait émerger un principe de création très innovant. Les principaux protagonistes l'ont animé, sans le nommer ainsi, en Allemagne, dans les dernières années avant la Grande guerre. Commençant avec la peinture, il s'est aussi développé dans d'autres arts : littérature, théâtre, architecture, danse, cinéma, notamment, jusqu'au début des années 20 (réf. RICHARD).
Il fut principalement suscité par deux courants engendrés par les groupes die Brücke et der blaue Reiter. L'excellente exposition de la pinacothèque de Paris, du 13.X.2011 au 11.III.2012, (réf. RESTELLINI) était fondée sur l'idée intelligente et instructive de faire dialoguer ces deux courants par une organisation judicieuse de l'accrochage. Elle montrait aussi la nature "plurielle" du mouvement expressionniste.
Paul Klee le décrivait comme un art dans lequel l'artiste crée une production plastique où son impression première est rendue après transformation par sa subjectivité, parfois bien longtemps après (réf. KLEE). Ainsi, l'artiste ne restitue pas le réel ni même l'impression que lui fait le réel mais exprime son ressenti intériorisé et digéré.
L'expressionnisme a été la matrice qui a mis l'abstraction au monde de l'art. Kandinsky, co-créateur avec Franz Marc du « Cavalier bleu », y a joué un rôle majeur. Le premier tableau (à l'huile) abstrait lui est attribué. Il s'agit du « tableau avec cercle », exécuté en 1911 mais resté longtemps peu connu. De ce fait, il semble que la première présentation de peintures abstraites au public soit due à Kupka (Amorpha, 1912 ; réf. KUPKA). Kandinsky a raconté son cheminement artistique. Ceci permet de savoir qu'il a bien pris conscience de s'être détaché de la nature dans ses œuvres. Il est ainsi possible de dire que « tableau avec cercle » (réf. KANDINSKY) est la première peinture à l'huile sans sujet. Cela dit, Kandinsky s'était essayé à l'aquarelle abstraite dès 1910 (réf. KANDINSKY 2).
De manière générale, l'abstraction est une capacité de l'esprit humain (sans doute plus largement partagée avec d'autres animaux) qui lui donne de sérieux avantages. Elle permet notamment d'accroitre son efficacité d'action en regroupant des situations apparemment diverses sous le même schéma d'analyse. Cela lui permet de développer avec parcimonie des outils et des stratégies types pour les gérer ou les traiter en les assimilant à des modèles génériques. Quoique cette façon de procéder ne soit pas sans écueils (d'où la nécessité vitale d'opérer de temps en temps des changements de paradigmes), elle s'est avérée suffisamment efficace pour être favorisée par l'évolution biologique (comportements prédateurs-proies ?) et, sans doute, sociale (que l'on pense au succès des mathématiques).
Appliquée à la création picturale, cette démarche intellectuelle conduit à se demander quels sont les éléments graphiques génériques qui se dégagent de la diversité des sujets et sont propres à être posés sur le plan de présentation (ou dans le volume pour une sculpture...). Au premier niveau, il est possible de répondre : des lignes et des surfaces colorées organisées en formes. Déjà, en 1665, Nicolas Poussin (réf. POUSSIN) définissait la peinture comme "une imitation faicte avec lignes et couleurs de tout ce qui se voit dessoubs le Soleil, sa fin est la Délectation". Cette définition a perduré comme le constatait par exemple Maurice Denis (réf. DENIS), en 1890, dans sa définition du néo-traditionnisme. Si l'on trouve encore des traces de cette définition dans des dictionnaires actuels, il est possible de beaucoup développer la compréhension des voies et moyens de l'expression picturale (réf. ZED). Cependant, s'il est clair que la « fonction » de l'œuvre d'art n'est pas (n'est plus ?) de donner à voir le réel, l'abstraction ne se confond pas avec la caricature et, si l'on en croit l'approche expressionniste, le discours graphique doit nécessairement refléter l'intériorité de chaque artiste. Ainsi, réaliser une œuvre abstraite ou plus généralement expressionniste ne se réduit pas à mettre en œuvre un vocabulaire de description figé mais incorpore la subjectivité de l'artiste (et, pourrait-on ajouter, la lire met aussi en jeu la subjectivité du spectateur).
Dès lors, à l'évidence, la peinture et la sculpture se prêtent bien à de telles pratiques créatives mais, à première vue, il est loisible de penser qu'une telle approche est interdite à la création d'œuvres d'art au moyen d'outils techniques réputés objectifs, comme un appareil de prise de vue photographique. Pourtant, dans les années 1920, le cinéma allemand produit des films stylisés, voire outrés, marqués par l'expressionnisme, aujourd'hui qualifiés de caligarisme par référence à l'œuvre archétypale de Richard WIENE, en 1919, « Le cabinet du Docteur Caligari » (réf. BIFI). Par ailleurs, le débat sur l'objectivité de la photographie est depuis longtemps dépassé et chacun sait aujourd'hui qu'une photographie n'est jamais objective, le simple fait de cadrer, par exemple, éliminant déjà une partie du réel sélectionnée par le photographe. Pour autant, ce débat ne doit pas être simplifié à l'extrême. Il est raisonnablement possible, sans se laisser prendre au piège d'une catégorisation excessive, de distinguer des photographies conçues pour montrer leur sujet de photographies ayant pour but de construire une image à propos d'un sujet.
Dans la première catégorie peuvent se ranger des photos très différentes cherchant à montrer la « vérité » aux fins de reportage ou, à un autre extrême, de montrer des objets sous un jour séduisant, aux fins de publicité.
Pour illustrer la seconde, il serait possible de citer les productions de Lucien Hervé, notamment connu pour ses photographies de l'œuvre architecturale de Le Corbusier. Tirées sur un papier très dur pour forcer les contrastes, ses images ne cherchent pas à décrire les immeubles mais parviennent fort bien à transmettre le vécu de l'homme dans le bâtiment (réf. HERVE).
Ce dernier exemple donne à penser que l'invocation de l'expressionnisme ne doit pas seulement s'appuyer sur les procédés graphiques de dramatisation (forts contrastes, stylisation, ...) mais devrait prendre en compte la démarche intellectuelle voire spirituelle consistant à appliquer ces procédés à la matière première fournie par le réel pour exprimer un ressenti subjectif. Il s'agit donc bien d'une opération de transformation.
Cela dit, les mots sont dangereux. La désignation lapidaire de cette recherche artistique comme « de la photographie expressionniste » laisserait penser qu'il existe UN tel style de production photographique que l'on pourrait discuter et critiquer comme LA photographie expressionniste. Rien ne serait plus trompeur.
En particulier, une acception courante de l'expressionnisme reste très marquée par la tendance à spectre étroit, tourmentée et socialement chargée, de die Brücke et de ses émules. Toutefois, rien n'oblige à s'en tenir rigidement (académiquement, pour ainsi dire) à cette définition. D'ailleurs, déjà dans la mouvance du blaue Reiter, nombre d'œuvres se dégagent de cette approche fortement dramatisée, voire tragique. Il en est de même dans d'autres arts. Au théâtre, par exemple, Carl Sternheim emploie la comédie pour exprimer une satire de la société autoritaire allemande d'avant guerre et ses idées sur la valeur de l'ascension individuelle (réf. STERNHEIM). La représentation expressionniste n'est donc pas nécessairement noire. Elle n'est pas non plus forcément engagée.
Ainsi, on ne veut retenir ici du concept expressionniste que son essence méthodique, à savoir la démarche transformant des éléments objectifs pour figurer un élément subjectif – non seulement un ressenti "premier" (première impression, effet d'une perception) mais plus généralement un sentiment où même une idée – indépendamment de sa nature : toutes les idées ont droit de cité. La variété de l'expressionnisme et de son héritage était par exemple bien montrée par l'exposition organisée par la fondation Beyeler en 2003 (réf. BEYELER).
Sur le plan graphique, toutes les transformations plastiques sont autorisées. En particulier, l'outrance est possible mais pas obligatoire. Au risque d'en délayer l'intention, rien n'interdit de développer un « expressionnisme à large spectre », les interventions de transformation possibles sur une image étant en réalité nombreuses.
Les remarques précédentes suggèrent un projet de travail. Les photos relevant d'une telle approche utilisent l'objet photographié non pas pour juste le montrer mais, au premier chef, comme matériau de construction d'image. Elles ne peuvent pas se contenter d'un but simplement esthétique : montrer une belle image n'est pas leur unique objectif. Elles devraient se caractériser par leur impact, obtenu par leur puissance d'évocation, chez le spectateur, d'une sensation, d'un sentiment, d'une idée qui en serait le vrai sujet.
En outre, sur le plan des moyens formels employés, il serait intéressant d'explorer plus avant les possibilités offertes par l'emploi raisonné des variables et objets graphiques intervenant dans l'interprétation syntaxique et sémantique des photographies (réf. ZED).
Cette description succincte d'une direction personnelle de travail et de réflexion est encore trop longue car Goethe avait raison, qui disait « Bilde, Künstler ! Rede nicht ! » (« Crée, artiste ! Ne pérore pas ! » ou, plus précisément, « Donne forme, artiste ! Ne discours pas ! » (réf. GOETHE)). Il est temps de laisser la place aux images...
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Série « La Ville et l'Individu » |
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« Fil rouge » |
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« Ténu dans le tunnel » |
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« Evasion en cage » |
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« Promenade dans la neige » |
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« Ralliez-vous à mon panache rouge » |
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Série « Choses en fin de vie » |
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« Fil rouge » |
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« Souvenir d'aiguillage » |
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« La maison abandonnée » |
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« Antiques pneumatiques » |
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« Yin-Yang électrique » |
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Série « Appendice » |
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« Fil rouge » |
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« Extrémités en réunion » |
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« Mélange de pieds » |
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« Pavé battu, pas perdus » |
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« 18 cm » |
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Série « Histoires de ballast... Mégots de vie » |
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« Fil rouge » |
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« Le nectar et le bonnet » |
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« Biberon et biberon » |
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« Bouchon et chausson » |
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« La canette et la roulette » |
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Série « Comme un fluide vivant… » |
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« Fil rouge » |
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« Gaz de ville » |
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« Trajectoires pulsatoires » |
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« Entre paille et marbre » |
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« Migration à répétition » |
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Série « La ruche » |
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« Fil rouge » |
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« Dialogue constructif » |
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« Vue d'artiste » |
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« Décapage en capuche » |
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« Au travail comme sur un rail » |
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Série « Ubiquité » |
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« Fil rouge » |
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« Meta ti vrochi » |
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Série « Le grand confinement » |
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« Prohibition d’animation » |
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« Diffractions intérieures » |
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« Pluie sur le bord du monde » |
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« C’est la chasse à la SHA » |
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Série « Dys » |
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